Tuesday, August 30, 2011

Roberto Fonseca, le nouveau grand de la musique cubaine


LA HAVANE - Sous ses allures de basketteur taciturne, Roberto Fonseca cache une fièvre créatrice qui fait de ce pianiste de 36 ans le nouveau grand de la musique cubaine.
"Comme musicien, je ne crois pas avoir encore atteint mes limites, j'ai encore beaucoup à apprendre, beaucoup à faire. La limite, ce sera lorsque avec deux notes, les gens reconnaîtront mon style", explique à l'AFP le pianiste avant un concert vendredi à La Havane pour les quinze ans de son quintette Temperamento, qu'il a formé avec le saxophoniste Javier Zalba.
"Avec Roberto, on a une identification très forte, depuis le premier concert", assure Javier Zalba, 55 ans, qui a joué avec les plus grands pianistes cubains, notamment Chucho Valdés et José Maria Vitier.
Ensemble, ils ont ouvert en juillet en France le réputé festival de jazz de Marciac où il a été sélectionné pour le troisième album de la collection Live in Marciac.
Roberto n'arrête pas. En quinze ans, il a enregistré dix albums, a collaboré à plus de quinze et en produit quatre autres. Dans le même temps, il a été durant cinq ans le pianiste du projet "Buena Vista Social Club présente Ibrahim Ferrer", avec lequel le liait une amitié indéfectible.
"C'est fou comme il joue, le petit!", s'amusait Ibrahim Ferrer (1927-2005) devant les autres membres du groupe, El Guajiro Mirabal, Ruben Gonzalez, Orlando "Cachaito" Lopez et Manuel Galban.
Roberto Fonseca refuse les étiquettes de jazz afro-cubain ou latin jazz. "Ma musique est ouverte", explique-t-il en avançant ses influences rock, soul, musique classique -pour laquelle il confesse une "dévotion"-, pop, rap, musiques traditionnelles et bien sûr afro-cubaines.
"Je ne me considère pas comme un musicien de jazz, mais comme un musicien romantique, qui exprime ce qu'il sent à travers le piano", affirme-t-il.
Du jazz, il retient l'improvisation. "Nous sommes d'horribles chanteurs, c'est pour ça qu'on a décidé que la meilleure manière de nous exprimer, c'était l'improvisation", glisse-t-il avec un sourire.
A 36 ans, il a connu les plus grandes scènes de New York, Paris, Sidney, Londres ou Francfort, mais il se considère toujours comme "un enfant du quartier" de La Havane où il réside toujours entre deux tournées.
Malgré les multiples propositions, il n'a jamais voulu émigrer. "Tout ce que je fais vient de Cuba, si je pars, ce ne sera plus pareil. Le fait de vivre à Cuba a fait de moi le musicien que je suis, et j'aime comme je suis aujourd'hui".
Sur scène, il a joué -vêtu par la styliste française Agnès B.- avec les plus grands: Bebo et Chucho Valdés, Herbie Hancock, Michael Brecker et Wayne Shorter. Son thème "Llegó Cachaíto" a été choisi par les producteurs de la Columbia pour le film "Hancock" de Will Smith.
Son grand regret est de n'avoir pas pu jouer avec Miles Davis, décédé en 1991, pour ses expérimentations et parce qu'"il a totalement révolutionné le jazz".
Dans chacun de ses disques, Roberto Fonseca rend hommage aux orishas, les divinités afro-cubaines, et à ses ancêtres. Il inclut également des morceaux chantés par sa mère Mercedes Cortés, ou d'autres interprètes comme Omara Portuondo, la diva du Buena Vista Social Club.
"Je crois dans les orishas, dans les ancêtres et dans la foi. Toujours, je leur rends grâce", confesse-t-il en montrant à son poignet un bracelet dédié à deux des principales figures de la santeria.
Le futur de la musique cubaine ' "Délicat", admet Roberto Fonseca, car menacé d'"intoxication par le mercantilisme". "Il faut garder l'essence de la musique".
A dix ans, il jouait de la batterie et rêvait de devenir Ringo Starr. A 15 ans, il explosait comme pianiste au Festival Jazz Plaza, à Cuba. Aujourd'hui, à 36 ans, il aspire seulement à une musique qui "n'est pas commerciale, mais que tout le monde peut s'approprier".
Par AFP